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Conseil

C’est tendance… Backlash !

C'est tendance... Backlash !

2025-01-18 | par Nicole Fomékong

Casser ce que l’on a encensé ce matin même. Soyons modernes, aimons tout de suite et détestons tout aussi rapidement. Mode, tendance, buz… Backlasher, détruire, piétiner. Sous peine de passer pour une pauvre créature à la traîne, risible, sujette aux moqueries. Il faut être fast, dans l’instant, pile-poil là, maintenant. Demain, il sera trop tard.

Epoque ivre de vertiges, il faut scroller éperdument, liker à tout va et puis ? Passer à quoi ? Et pourquoi pas à l’extrême opposé ? Allez, virage à 180°, sans aucun état d’âme.

Or, s’agissant de sujets tels que le respect des droits de la femme, est-ce bien sérieux ? Est-ce bien sérieux de « faire la moue » lorsqu’on parle de féminisme ? Réellement, est-ce démodé, en 2025 ? Iran, Afghanistan, France, USA… Bref, partout.

Au sein de mon domaine d’expertise professionnel, c’est tout aussi affligeant : est-ce bien sérieux de « sourire narquoisement » lorsqu’on parle de responsabilité sociétale de l’entreprise ?

Reprenons à la base :

  • responsabilité
  • sociétale.

C’est assez clair. La RSE ou le fait, pour l’entreprise, de se donner des valeurs qui vont au-delà du simple chiffre d’affaires. Est-ce insensé ?

Il paraitrait que ce soit le cas. La RSE, l’ESG seraient passés de mode. Donc le temps est au Backlash.

Il y a des explications macro-économiques, brillamment analysées dans ce documentaire du Financial Times au titre sexy si efficace : Who killed the ESG party?

Les accusés sont identifiés, notamment la guerre en Ukraine ainsi que le greenwashing institutionnel et banco-financier.

Mon propos est plus léger, plus sociologico-comportemental.

4 ans seulement

Mon constat : 4 ans auront suffi pour détruire ce que le capitalisme a créé de plus beau et respectable en soi : la responsabilisation de la licence sociale d’opérer de l’entreprise, sa responsabilité en tant qu’acteur majeur d’un système dans laquelle elle se trouve être au cœur.

Responsabilité de respecter les droits fondamentaux des salariés (pour rappel, inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU), de limiter et maitriser son impact environnemental, être au service d’un monde viable et juste. Utopique ? La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 est-elle utopique ? Oui. C’est le propre de ce qui se fait de mieux en matière d’idéal pensé par les humains. Ces utopies sont des flèches téléologiques, phares qui sont censés nous montrer le droit chemin.

Ce qui ne signifie pas que l’on ne se perdra jamais en route. Mais le phare aidera à retrouver le chemin. C’est la fonction même de ces « utopies ». Sans elles, pas de droit du travail, pas de système de santé, pas de protection de l’enfant, pas d’école obligatoire, etc, etc.

4 ans, 2019-2024 : sécheresses et canicules spectaculaires au cœur du monde occidental (et non plus là-bas, au loin, tiers-monde plaint depuis nos pays sécures). Avant-hier la France, l’Europe, l’Australie, hier Valence, aujourd’hui Los-Angeles…

Changement climatique au coeur des préoccupations des pays les plus pollueurs, déflagration du COVID, envolées lyriques sur le Monde d’Après, serments et colloques internationaux, successions de COP, grande fête de la COP 21 (« We are the world »), génération spontanée d’experts ESG, vulgarisation de notions sinon complexes, du moins requérant l’accumulation d’une somme de savoirs aussi divers que nombreux, simplification à outrance, récupération par les milieux financiers via la transformation d’une doctrine en placement rentable, rétrécissement et appauvrissement des finalités fondamentales, contre-sens et contre-vérités, dilution du savoir, malversations, scandales, dénonciations fondées et infondées…

Et surtout, beaucoup de lois et de décrets non suivis d’actes !

Des lois et puis rien

Au niveau de la sphère privée, à mon niveau de citoyenne, c’est le pire.

Quid de l’interdiction depuis 2020 de l’utilisation de vaisselle jetable en plastique pour ces géants de la restauration rapide qui saturent nos écosystèmes de gobelets à usage unique ?

Quid de l’obligation depuis janvier 2024 de trier nos biodéchets ? Je cherche toujours le moyen de le faire, les 2 pauvres bacs à compost du square voisin sont cadenassés.

Ce n’est pas sérieux.

Alors oui, on peut ricaner, sourire narquoisement et dire que tout cela est de la foutaise.

Mais ce n’est pas la RSE qui est de la foutaise. C’est ce qu’on en a fait.

Backlashons nos ratés, nos incapacités individuelles et collectives, bref, nous-mêmes.

Trop facile de jeter l’opprobre sur des disciplines respectables. Regardons-nous bien en face, dans la vie de tous les jours, et soyons honnêtes. Partisans du moindre effort, ultra paresseux, déresponsabilisés. Plus simple de ricaner. Pour ensuite crier des oh ! et des ah ! devant des images d’apocalypse.

Ah ! La facilité du backlash.

Je fais donc je suis ? Backlasher est l’antithèse du faire

C’est sa négation ultime car le backlash s’investit d’un pouvoir : celui de détruire les vrais héros du quotidien au nom d’une pseudo posture intellectuelle : l’ironie outrancière. Mais n’est pas Voltaire ou Aldous Huxley qui veut. La figure de l’ironique éclairé est celle de l’intellectuel (figure réprouvée), qui fonde sa posture sur des analyses sociologiques poussées. C’est une ironie parfois désespérée mais fondamentalement en quête de paix et de bonheur pour l’humanité. Parfois l’ironique éclairé propose. Et c’est brillant. Mais ses propositions demandent des efforts, dont celui de changer. Alors forcément… Les railleurs préfèreront les « bof » et « ça sert à rien », aujourd’hui majorité d’égocentriques qui pullulent et polluent.

Donc, poison de l’air du temps, on préférera le Backlash.

What’s next ?

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